La Libye impuissante face à l'afflux de migrants
24 avril 2015Les abords du bureau de la force de sécurité maritime de Tripoli sont étrangement calmes. Alors que les bateaux de migrants sont nombreux à profiter de la météo clémente pour tenter la traversée vers l'Europe, ces hommes, qui font office de garde-côtes, ne travaillent guère. Et pour cause, ils n'en ont pas les moyens.
Sur les quais du port de Tripoli, Shubi Bisher, le directeur des opérations, ne fait pas l'inventaire des bateaux dont il dispose, mais de ceux qui ont besoin de réparation.
« Regardez, regardez, nous manquons de pièces de rechange.
- Ce bateau est cassé aussi ?
- Il est cassé, c'est un bateau privé aussi. Moi aussi j'ai un bateau privé, c'est un petit remorqueur. On l'utilise parfois vous savez. On utilise nos propres moyens »
Pas de patrouille depuis janvier
De fait, la force de sécurité maritime ne dispose plus que d'un seul bateau pneumatique. Les patrouilles maritimes ont donc cessé en janvier. La force sort uniquement lorsqu'elle reçoit un appel annonçant la présence d'une embarcation de migrants en mer. Et alors, c'est la débrouille qui est la règle, comme l'explique Mohamed Baithi le chef de la force :
« Avec ce bateau, trois personnes partent. On stoppe les migrants avec les armes. Puis on appelle les bateaux privés, ils viennent nous aider. Parce qu'il y a une loi qui dit que si quelqu'un a besoin d'aide en mer, tu dois lui porter assistance. Ils récupèrent les gens, tous. Tous les bateaux font ça, aucun ne peut dire non. On ne nous donne rien. On m'appelle de Khoms, Garabouli, on me dit Mohamed, deux bateaux vont partir. Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça ? »
Des migrants déterminés
Mohamed Baithi se dit obligé d'utiliser les armes pour tenir les migrants en respect.
« Les Africains ne veulent pas revenir en Libye. Ils veulent aller en Europe. Parfois, quand on les ramène sur ces bateaux, ils pleurent, ils veulent casser le bateau, ils disent qu'ils ne veulent pas rentrer en Libye. »
Les migrants savent pourtant parfaitement qu'ils risquent leur vie. En janvier, la force a ainsi récupéré quatre corps sans vie, comme l'explique Shubi Bisher:
« Un navire de pêche en mer a relevé son filet. Ils ont sorti le filet de l'eau avec les poissons. Et ils ont trouvé les quatre corps à l'intérieur du filet. Nous n'avons même pas les moyens d'avoir des sacs mortuaires. ».
L'homme ne peut s'empêcher de conclure : « En fait, c'est un désastre ».