La cuisine ou l'art de séduire à l'africaine
9 février 2011En à peine 150 pages, Calixthe Beyala nous donne une véritable recette de séduction à travers l'histoire de Mademoiselle Aïssatou, une jeune femme africaine perdue dans la jungle parisienne, et qui tient à séduire son voisin du dessus : un Malien dénommé Souleymane Bolobolo. Après une rencontre avec le marabout du coin, Mademoiselle Aïssatou décide de jouer la carte de la séduction à l'africaine, à savoir : cuisiner des saveurs tropicales et épicées pour l'amant convoité, ce qui revient à l'ensorceler avec une marinade d'épices ou un pépé soupe de poissons, et exalter sa sauvagerie avec un pur jus de gingembre. Un roman qui fait office de livre de cuisine, puisqu'à la fin de chaque chapitre, Calixthe Beyala nous livre même ses recettes fétiches.
Au bout du compte, après avoir surmonté toutes sortes d'obstacles, comme la maman de Bolobolo qui vit avec son fils et une poule, ou encore d'autres concurrentes comme la métisse Mademoiselle Bijou, Mademoiselle Aïssatou réussit à charmer son homme. Voici un extrait plutôt croustillant du roman : « une recette jaillit de nos soupirs: mousses de langue à la feuille de tendresse, riz de poils gratinés aux fours des désirs et gâteau de seins au chocolat noir. Le détail de ces recettes? Vous le trouverez n'importe où, là où les destins s'entrecroisent ».
Hommage à la culture culinaire africaine
Il n'est pas difficile de deviner que Calixthe Beyala a puisé l'inspiration dans sa propre expérience, quand on sait que l'auteure d'origine camerounaise est arrivée en France à l'âge de 17 ans. Au début de l'histoire, son héroïne essaie à vrai dire de devenir Européenne, et dit-elle : « comme il convient de plaire aux hommes blancs, planche à pain égale belle femme ». Sauf qu'elle constate qu'il y a un temps pour partir et un temps pour revenir aux racines. Voilà comment Mademoiselle Aïssatou décide de colorer sa vie morose parisienne en redécouvrant la cuisine de ses origines ! Le roman est en soi un appel à ne pas renier ses racines, un hymne à la culture africaine.
Mais la plume de Calixthe Beyala n'épargne pour autant pas les hommes africains : « Ton homme aime le poisson, et malgré tous les bons poissons que tu lui prépares, il trouve le moyen d'aller au restaurant pour en manger ». La métaphore de la cuisine filée jusqu'au bout pour dénoncer l'impulsion de nombreux hommes d'aller voir ailleurs.
Auteur : Cécile Leclerc
Edition : Mireille Dronne