1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

La crainte d'une nouvelle guerre au Soudan

27 mai 2011

Le Soudan revient en force dans la presse allemande. La raison en est bien sûr la prise de contrôle de la ville d'Abyei par l'armée du Nord-Soudan. La région d'Abyei est située à la frontière entre le Nord et le Sud.

https://p.dw.com/p/RQUO
Maisons incendiées à Abyei, 24 mai 2011Image : AP

Cette offensive de Khartoum inspire d'un journal à l'autre des titres qui se ressemblent comme des frères. Ils tournent tous autour du risque d'une nouvelle guerre au Soudan, alors que le Sud-Soudan doit accéder à l'indépendance le 9 juillet prochain. L'occupation de la ville chrétienne d'Abyei par les troupes du Nord-Soudan, écrit le Tagesspiegel de Berlin, plonge le processus de paix dans sa crise la plus grave depuis la signature de l'accord de paix en 2005. Pour Khartoum, souligne le journal, l'enjeu dépasse de loin la présence de pétrole, d'autant qu'à Abyei il ne représenterait plus qu'un pour cent des réserves soudanaises. Pour le Nord il est infiniment plus important d'empêcher un morcellement supplémentaire de ce qui fut le plus vaste Etat du continent africain. La sécession du Sud-Soudan réduirait déjà le nord à un Etat croupion. Or des velleités sécessionistes existent également dans d'autres régions de l'ancienne colonie britannique. Depuis des années, la petite élite arabe de Khartoum est harcelée par des groupes de population négligés dans l'ouest, le sud-est et le nord du pays. Il s'agit en partie de minorités qui ont activement soutenu l'indépendance du Sud-Soudan, et qui maintenant misent à leur tour sur une plus grande autonomie. La Frankfurter Rundschau rappelle que l'avenir d'Abyei est contesté depuis des années entre Juba et Khartoum. La région est majoritairement peuplée de Dinkas, qui revendiquent leur appartenance au Sud. Mais la zone d'Abyei est également utilisée par des nomades arabes qui y font paître leurs boeufs à la saison sèche. Ces nomades Misseriya craignent de perdre leur accès aux pâturages si Abyei est attribuée au Sud.

Sudan Südsudan Abyei Protest Demonstration Juba
Hundreds of southern Manifestation à Juba contre l'occupation d'Abyei, 23 mai 2011Image : AP

Le pétrole, souligne de son côté die Tageszeitung, n'est qu'un enjeu secondaire dans la lutte de pouvoir pour Abyei. Les champs de pétrole y sont presque épuisés. Les riches pâturages situés le long du fleuve Kiir, et revendiqués par les Nord-Soudanais, comptent pour beaucoup. Mais l'enjeu est avant tout psychologique. Abyei est une pomme de discorde émotionnelle entre le Nord et le Sud-Soudan. D'innombrables ministres et généraux de l'Armée populaire de libération du Soudan, la SPLA, qui gouverne au Sud-Soudan, sont originaires de la région. Qui aura remporté Abyei aura gagné symboliquement la guerre. Le dictateur de Khartoum, lit-on dans un éditorial de la Süddeutsche Zeitung, fait de nouveau honneur à sa réputation de seigneur de la guerre. Cela lui nuit à l'étranger, mais la consolidation de son pouvoir au Nord-Soudan est à ses yeux plus importante. Car Omar El Béchir, poursuit le journal, est sous pression dans son propre camp du fait de la sécession annoncée du Sud-Soudan. Béchir ne peut empêcher l'indépendance du Sud. Mais il ne veut pas lâcher la région d'Abyei par crainte d'être renversé par les faucons de son propre camp.

NATO Luftangriffe auf Tripolis Libyen Feuer
Après une frappe aérienne sur Tripoli, 24 mai 2011Image : picture alliance/dpa

Dilemme en Libye

Le Soudan n'éclipse pas pour autant la Libye. En témoigne ce commentaire de la Süddeutsche Zeitung qui note que la fin politique de Kadhafi semble maintenant inévitable. Le paradoxe, ajoute le journal, est que, bien que le régime vacille sous les frappes de l'OTAN, les rebelles libyens ne gagnent pratiquement pas de terrain. Les fronts sont figés. Une survie du régime est difficilement imaginable, mais dans l'ouest du pays l'insurrection se fait attendre. La capitale reste calme. Non pas que les habitants de Tripoli fassent bloc derrière Kadhafi, mais ses troupes peuvent y étouffer facilement les protestations. Or c'est à Tripoli, souligne le journal, que se décidera le sort du dirigeant libyen. L'emploi d'hélicoptères - annoncé par la France et la Grande Bretagne -comporte des risques. Ces appareils sont plus faciles à abattre que des avions de combat. Si cela devait arriver, l'alliance occidentale serait vite entraînée plus profondément encore dans le conflit. Cela traduit le dilemme de l'Otan en Libye, souligne le journal: tout le monde voit que la rebellion serait terminée sans les frères d'armes de l'OTAN, mais un changement de régime opéré par des soldats occidentaux priverait la révolution de sa légitimation.

Lesotho Ortschaft Mokhotlong traditionelle Wohnhäuser
Habitat traditionnel au LesothoImage : J. Sorges

Des framboises pour le Lesotho

On termine ce tour d'horizon dans un hôtel cinq étoiles d'Istanbul. C'est là que les Nations unies ont organisé récemment la quatrième conférence sur les pays les moins avancés. Cela inspire à l'hebdomadaire der Spiegel un article très caustique qui commence ainsi " Son excellence Dr. Mothae Anthony Maruping, 66 ans, ambassadeur du royaume de Lesotho, est devant une vitrine certie d'or. Il hésite entre une tarte à la fraise et un macaron géant fourré aux framboises". Nous sommes donc à l'Intercontinental d'Istanbul, L'ambassadeur du Lesotho vient de faire un exposé sur les moyens de faciliter l'accès au marché pour les pays les moins avancés du monde. Un sujet difficile, note le journal, mais le Dr. Maruping s'y connait. Son pays fait partie des PMA: le petit royaume du Lesotho, enclavé dans l'Afrique du sud, n'a pas de côtes, donc pas de port pour faciliter son commerce. Le chômage tourne autour de 45%, la moitié des deux millions d'habitants vit avec moins de 1,25 dollar par jour - soit un septième de ce que coûte une tarte à la fraise à l'Intercontinental. Le macaron aux framboises est encore plus cher. L'après-midi dans le centre de congrès, lit-on encore dans l'article, du vin et des petits fours sont servis. Un délégué se demande à haute voix pendant combien de temps la communauté internationale pourrait soutenir un pays parmi les moins avancés avec l'argent que coûte une telle conférence.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Editeur: Fréjus Quenum