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Intégration et "culture dominante"

Julien Mechaussie12 mai 2006

La Leitkultur, « culture dominante », un mot tabou en Allemagne. Un mot longtemps tabou car l'idée d'une culture allemande supérieure aux autres rappelle de mauvais souvenirs. Et le débat sur l'existence d'une Leitkultur refait surface à l'occasion de l'introduction de tests de naturalisation dans certains Länder allemands.

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Image : Fotomontage/AP/DW

Entre le concept multi-kulti, le multiculturalisme, et celui de Leitkultur, l'Allemagne ne sait plus très bien à quel saint se vouer. Et le débat sur une culture dominante pourrait se résumer ainsi : peut-on être fier de son Etat et doit-on demander aux immigrés de s'intégrer à la culture du pays d'accueil ? Une réflexion que refuse le sociologue allemand, Claus Leggewie :

« La plupart des gens comprennent par Leikultur des formes d'expression qui peuvent être religieuses ou tout simplement qui ont attrait à notre quotidien. Mais je ne pense pas que le concept de Leitkultur existe. Je dirais plutôt qu'il existe une sorte processus historique entre les immigrés et les autochtones. Autrement dit, un mélange de plusieurs cultures. Mais je refuse l'idée d'une Leitkultur d'une majorité qui l'impose à une minorité. »

Claus Leggewie pointe ici du doigt l'introduction des tests de nationalité en Allemagne. Une discussion qui a provoqué une levée de boucliers. L'Allemagne peut-elle se permettre eu égard à son passé un certain patriotisme ?

Et quand on parle de Leitkultur, le débat sur l'intégration des étrangers n'est jamais très loin. Depuis les années 60 de nombreux travailleurs immigrés sont venus en Allemagne et ont amené leurs propres culture et religion, et aussi souvent leur famille. Berlin est devenu ainsi la plus grande ville turque après Istanbul. Une immigration qui pose des problèmes d'intégration :

« Il existe un cycle politique. Les politiques ont dit, " nous avons besoin d'une Leitkultur ". A partir de là, les lois sur l'immigration sont devenues plus restrictives. Et c'est la mise en place concrète de ces lois qui pose problème. Il ne suffit plus d'avoir vécu un certain temps en Allemagne. Des conditions préalables sont exigées par la loi. Alors pourquoi pas un questionnaire. Un système où l'on distribue des notes. Et si j'obtiens un zéro pointé, je ne peux pas devenir allemand. Si par contre j'ai une bonne note, c'est bon, comme à l'école. »

Ou quand l'intégration devient une affaire de bonnes notes. Claus Leggewie n'hésite pas à jeter un œil vers les Etats-Unis et comparer le processus américain d'intégration des étrangers avec ce qui se passe en Europe :

« Il y a quelque chose que les européens peuvent apprendre des Etats-Unis. Un rapport récent a constaté que la communauté musulmane est mois bien intégrée en Europe qu'aux Etats-Unis. Les attentats du 11 septembre ont été commis par des personnes qui n'avaient pas la nationalité américaine. Au contraire de ce qui s'est passé à Londres ou à Madrid. Et c'est le signe d'une mauvaise intégration en Europe où il existe comme une hiérarchie des religions. La religion chrétienne est en haut de la pyramide puis le reste vient ensuite. Et cela produit les conséquences négatives que l'on sait. »

Au cœur du débat sur une culture dominante vis-à-vis des autres, se glisse la question de l'obligation d'apprendre l'allemand. Une obligation considérée par certains comme allant trop loin. Même s'il est vrai que ceux qui ne connaissent pas la langue, se trouvent désavantagés par rapport aux Allemands. Si les cours de langue allemande sont devenus obligatoires depuis la dernière loi sur l'immigration, faut-il pour autant exiger d'un imam qu'il fasse son prêche en allemand ? C'est-à-dire est-ce qu'une Leitkultur allemande peut s'immiscer dans les pratiques musulmanes ? Des questions concrètes pour un pays comme l'Allemagne qui pour son économie a besoin de travailleurs d'immigrés. Claus Leggewie :

« Je connais des pays comme le Mali, le Sénégal. Il y a des gens qui sont capables de parcourir à pied des milliers de kilomètres. Ces gens sont la preuve à quel point l'Europe est attractive. Et ce pas seulement à cause de l'espoir de trouver un travail en Europe mais aussi le souhait de vivre dans un lieu où on nous laissera tranquille : sans guerres ni famines. Mais il faut d'un autre côté, comprendre les Etats européens qui ont besoin de réguler l'immigration afin que la majorité de leur population accepte ce flux. »

Un équilibre à trouver donc pour que l' intégration des immigrés se déroule sans remuer le mauvais souvenir de l'existence d'une culture dominante.