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DE Interview Naujoks

1 décembre 2011

Selon Birgit Naujoks, qui dirige le Conseil des réfugiés de Rhénanie du Nord-Westphalie, l'Europe essaie de se débarrasser au plus vite de ses réfugiés, alors qu'il faudrait traiter les causes qui les poussent à émigrer.

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Birgit NaujoksImage : Flüchtlingsrat NRW

Deutsche Welle : Contrôles renforcés aux frontières, centres d'accueil surpeuplés, règlement Dublin II : est-ce que, selon vous, l'Europe a la bonne attitude envers les réfugiés venus d'Afrique et d'autres régions du monde ?

Birgit Naujoks : Non, certainement pas ! L'Europe mise uniquement sur la défense des frontières extérieures et, tous les jours, des gens meurent à cause de cela. On part du principe que pour garantir son propre confort, son propre système social et la répartition injuste des richesses qui va avec, il suffit d'ériger des murs suffisamment hauts. On l'a vu dans le passé, c'est une erreur ! Prenez l'exemple du mur entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest ou encore la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

D.W. : A votre avis, comment l'Europe devrait-elle traiter les nombreux migrants illégaux qui vivent déjà ici ?

L'Europe doit avant tout traiter les réfugiés comme des êtres humains ! Or actuellement, la question n'est pas de savoir comment on les traite quand ils sont ici, mais comment les renvoyer au plus vite dans leur pays. L'Allemagne a cette "chance" d'être entourée de pays tiers sûrs, ce qui fait que peu de gens arrivent jusqu'ici. Et pourtant, la politique menée est une politique de dissuasion, les allocations sociales sont maintenues bien en-dessous du minimum vital, sans parler des entraves à la liberté de mouvement, l'interdiction de travailler, etc. Ces règlements discriminatoires doivent être supprimés. Un système de "répartition" plus équitable doit être mis en place en Europe, afin de décharger les pays qui sont aux frontières extérieures comme l'Italie et la Grèce, et de permettre à tous les réfugiés d'accéder à un processus de demande d'asile conforme aux règlements d'un Etat de droit.

D.W. : L'Europe porte-t-elle une part de responsabilité dans l'immigration de personnes venues de régions comme l'Afrique, par exemple par une politique économique inéquitable ?

Bien sûr ! Ce sont avant tout des intérêts économiques qui motivent l'engagement européen dans les pays d'origine des migrants clandestins. En ce qui concerne les ressources et les marchés, les Européens veulent des conditions et des contrats commerciaux stables, et ils ne s'intéressent pas à la situation politique et économique. Ils n'hésitent pas à faire des affaires avec des dictateurs et des régimes oppressifs. Tout particulièrement les subventions agricoles et les excédents détruisent les structures locales et, par là même, les moyens de subsistance des petits paysans, en Afrique de l'Ouest notamment. La paupérisation et l'absence de perspectives qui en découlent poussent les gens à émigrer.

D.W. : Au cours des dernières décennies, les pays les plus pauvres ont perdu une part importante de leurs universitaires qui ont émigré vers les pays industrialisés. Est-ce que la migration vers l'Europe détruit aussi le potentiel de développement dans ces pays ?

Oui sans aucun doute ! La politique de migration qui ne poursuit que ses propres intérêts est responsable de cela. Il ne s'agit pas de développer ensemble des stratégies qui donneraient aux gens des perspectives d'avenir dans leur pays d'origine, mais de garantir à l'Europe l'accès aux ressources, aux marchés, mais aussi aux personnes qualifiées.

D.W. : A quoi pourrait ressembler selon vous une politique de migration européenne tournée vers l'avenir ?

D'abord il faut comprendre et accepter que la répartition et l'utilisation inéquitable des ressources, de même que les possibilités de prendre sa vie en main, ne dépendent pas de facteurs biologiques. La pauvreté, l'oppression, la marginalisation et l'exclusion ont de tout temps conduit à des conflits au sein d'une société ou interétatiques. Si on veut empêcher cela ou au moins pouvoir le maîtriser, il faut se pencher sérieusement sur les causes de ces inégalités et, dans le même temps, trouver des voies légales de migration vers l'Europe.

Birgit Naujoks dirige le Conseil des réfugiés de Rhénanie du Nord-Westphalie.

Interview : Jan-Philipp Scholz
Traduction : Audrey Parmentier