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Explosion de colère au Sénégal

3 février 2012

Le Sénégal n'attire pas souvent l'attention des journaux allemands. L'approche de l'élection présidentielle, et la contestation de la nouvelle candidature d'Abdoulaye Wade, lui valent un brusque regain d'intérêt.

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Arrestation d'un manifestant à DakarImage : dapd

Comme l'écrit la Süddeutsche Zeitung, lorsqu'un pays africain ne fait guère parler de lui pendant des années, cela doit être interprété comme un bon signe. C'est un pays qui se développe dans le calme et la paix, sans préoccuper le conseil de sécurité de l'ONU. Le Botswana en est un exemple. Et le Sénégal a aussi figuré pendant longtemps parmi les pays qui semblaient trouver leur voie. C'est en Afrique de l'ouest le seul pays qui n'a jamais connu de coup d'Etat. Or voilà que Dakar s'est catapulté dans les nouvelles internationales. Il y a eu des morts lors de manifestations et l'opposition veut rendre le pays "ingouvernable", si le président Wade brigue un nouveau mandat. Les Sénégalais vont-ils initier un printemps africain et s'inspirer des sociétés arabes qui ont renversé leurs despotes? L'opposition sénégalaise ne se lasse pas d'établir de telles comparaisons. Mais Dakar n'est pas Le Caire, souligne le journal. Ce qui est vrai, c'est que le vieux président Wade a provoqué cette crise. Il est vrai aussi, note le journal, que la démocratie s'est plus solidement implantée au Sénégal que dans d'autres pays africains. Et beaucoup de Sénégalais ne veulent pas voir leurs progrès réduits à néant par un vieil homme qui a perdu de sa lucidité.

Senegal Wahlen Unruhen in Dakar
Manifestation, le 31 janvier 2012, à DakarImage : dapd

die tageszeitung parle d'une explosion de colère au Sénégal. Et pense qu'après l'invalidation de sa candidature, le chanteur Youssou N'Dour pourrait devenir le visage international de la contestation sénégalaise, alors que sa candidature n'avait d'abord eu que peu d'écho au Sénégal. Dans son pays, le chanteur est surtout connu comme riche homme d'affaires. A 52 ans il n'est pas représentatif de la jeunesse contestataire. Et le Sénégal n'est pas un Etat policier mais la plus vieille démocratie multipartite de l'Afrique francophone. Mais Abdoulaye Wade aura réussi à détruire l'image du Sénégal, celle d'un bastion de stabilité et de tolérance en Afrique de l'ouest.

Alioune Tine
Alioune Tine en 2011Image : RADDHO

Le même journal, die tageszeitung, brosse aussi un portrait du militant sénégalais des droits de l'homme Alioune Tine, qui a été arrêté pendant 48 heures. Le journal le présente comme la conscience du Sénégal. Ce professeur de littérature, écrit la Taz, fait partie de ces intellectuels sénégalais à la vision panafricaine qui ont fait de Dakar le centre incontesté de la pensée politique en Afrique francophone.

Neues Hauptquartier der Afrikanischen Union AU in Addis Abeba
Nouveau siège de l'UAImage : picture-alliance/dpa

Une unité africaine en lambeaux

La presse allemande est plus discrète sur le dernier sommet de l'Union africaine à Addis Abeba. Mais die tageszeitung consacre quand même un article substantiel au sujet. Elle note tout d'abord que ce sommet a été le premier depuis la chute et la mort du fondateur de l'Union africaine. Le Libyen Mouammar Kadhafi avait donné naissance à l'UA en 1999 lors d'un sommet à Sirte en Libye et la considérait comme un marche pied vers des Etats Unis d'Afrique sous sa houlette. Par de grandes envolées mégalomanes il avait par la suite torpillé régulièrement les discussions plus pragmatiques sur un développement progressif d'institutions panafricaines. Ce n'est pas un hasard, poursuit le journal, si l'UA avait choisi pour ce sommet des 29 et 30 janvier un thème qui n'aurait rien inspiré à Kadhafi: la promotion du commerce inter-africain. Les Etats africains n'effectuent entre eux que 10% de leur commerce extérieur. Il y avait matière à discussion, mais la discussion a tourné court, car une décision, à priori de routine, a fait éclater l'unité africaine. La réélection du président en exercice de la commission de l'UA, le Gabonais Jean Ping, a tourné au fiasco. Si quelqu'un marche sur les traces de la Libye, c'est la Chine. Juste à point pour ce sommet, Pékin a fait don à l'UA d'un nouveau siège. L'immeuble de 100 mètres de haut est le signe le plus visible du pouvoir de la Chine sur le continent.

Sudan folgt Elfenbeinküste bei Afrika-Cup ins Viertelfinale
CAN 2012Image : AP

Coup de pouce de la Chine

De la Chine il est aussi question à propos de la CAN, la Coupe d'Afrique des nations qui se joue au Gabon et en Guinée Equatoriale. Libreville vit à l'heure de l'amitié sino-gabonaise. En ces jours de Coupe d'Afrique, lit-on dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, il y a un article qui fait un tabac dans les nombreux petits kiosques de Libreville. C'est un pin's, une petite épinglette en métal donc, représentant les drapeaux nationaux du Gabon et de la Chine. La population gabonaise affiche ainsi son amitié avec la Chine. En novembre 2011, note le journal, le grand partenaire commercial asiatique a solennellement remis au petit pays du golfe de Guinée le "stade de l'amitié", un cadeau de 60 millions de dollars. La Chine vient en aide dans de nombreux domaines, y compris le sport. Cette aide bien sûr n'est pas désintéressée. Le Gabon est riche en pétrole, en bois et en manganèse. Ce n'est pas par hasard si en août 2009, quelques mois avant le lancement des travaux de construction du stade, la China National Machinery a signé avec le gouvernement gabonais un accord qui lui concède les droits d'exploiter le minerai de manganèse de Bellinga.

Zhongyuan Petroleum in Sudan
Exploitation pétrolière chinoise au Soudan du sudImage : picture alliance / Tong jiang - Imaginechina

Des Chinois qui courent des risques

Mais la présence chinoise en Afrique n'est pas non plus sans risques. Des ouvriers chinois ont été enlevés récemment dans le Kordofan-Sud. C'est dans le sud du Soudan où ils travaillaient à la construction d'une route. Et la presse allemande s'en fait l'écho. Ce n'est pas la première fois, écrit la Süddeutsche Zeitung, que des travailleurs chinois sont enlevés, ou même tués, en Afrique. La nouveauté réside dans l'intensité du débat que cela a provoqué, en Chine même, sur son engagement en Afrique. En l'espace de quelques heures près d'un demi-million de commentaires ont été envoyés sur les forums des sites internet des médias d'Etat. Mais à la différence de ce qui s'observe en Europe ou aux Etats-Unis, la plupart des internautes chinois ne reprochent pas à leur gouvernement de pratiquer un impérialisme moderne. Ils dénoncent bien plutôt le manque de sécurité sur place. Pas moins d'un million de Chinois, souligne le journal, travailleraient aujourd'hui sur le continent africain.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum