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Espérance déçue au Soudan du Sud

Marie-Ange Pioerron13 juillet 2012

Il y a un an, le 9 juillet, le Soudan du Sud devenait indépendant. La déception qui se lit dans les articles et les commentaires des journaux allemands est à la mesure des espoirs suscités chez les Soudanais du Sud.

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Célébration du 1er anniversaire de l'indépendance
Célébration du 1er anniversaire de l'indépendanceImage : Reuters

« Espoirs déçus sur les bords du Nil blanc », titre die tageszeitung. Un an après l'indépendance formelle du Soudan du Sud, écrit le journal, la situation dans ce jeune État est misérable. Les espoirs d'une vie meilleure n'ont pas été comblés. La dispute permanente avec le gouvernement de Khartoum s'est encore avivée depuis l'indépendance et a réduit à néant de nombreux projets.

Südsudan Unabhängigkeit Feier 2012 President Salva Kiir
Le président Salva KiirImage : Reuters

La Berliner Zeitung évoque la manne pétrolière et sa malédiction. Le plus jeune État du monde est au bord de la faillite. Depuis le mois de janvier, le Soudan du Sud a totalement arrêté sa production pétrolière, faute de pouvoir s'entendre avec Khartoum sur le prix du transit pour le pétrole du Sud, acheminé jusqu'à la Mer Rouge, via le Nord. Mais l'absence de recettes pétrolières n'explique peut-être pas tout. Comme le précise le journal, depuis la signature de l'accord de paix en 2005, et la mise en place d'un gouvernement autonome, le Soudan du Sud a engrangé 14 milliards de pétrodollars. Un dollar sur trois a disparu dans les poches des élites.

Le président Salva Kiir l'a lui-même reconnu. Il a envoyé récemment à 75 responsables politiques une lettre qui a fait grand bruit. Il les somme dans cette lettre de restituer immédiatement les fonds qu'ils ont détournés, et qui sont estimés à 4 milliards de dollars. C'est l'équivalent, poursuit le journal, des budgets de deux années pour le Soudan du Sud. Mais comme le font remarquer des observateurs occidentaux à Juba, si le président avait parlé sérieusement, il aurait dû s'en prendre aussi à lui-même. La Süddeutsche Zeitung parle d'une catastrophe annoncée. À peine née, la jeune nation s'est elle même coupé le cordon ombilical, écrit le journal en renvoyant à l'arrêt de la production pétrolière. L'argent manque cruellement pour créer le strict nécessaire de ce qui fait un État. Le Soudan du Sud est en voie de devenir un État failli avant même d'avoir commencé à exister.

Thomas Lubanga verurteilt Kongo Den Haag Internationaler Strafgerichtshof
Thomas Lubanga pendant l'énoncé de la sentenceImage : picture-alliance/dpa

Le premier condamné de la CPI

Plus au sud, c'est la République démocratique du Congo qui retient surtout l'attention et cela pour deux raisons. Il y a tout d'abord la condamnation, par la Cour pénale internationale, de l'ancien chef de guerre Thomas Lubanga, à 14 ans de prison. La peine a été infligée pour l'enrôlement d'enfants soldats en Ituri, dans les années 2002-2003, lorsque Thomas Lubanga commandait l'Union patriotique pour le Congo. Les Forces patriotiques pour la libération du Congo en étaient la branche armée, rappelle la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans l'Ituri, l'ethnie Hema, dont est issu Lubanga, et celle des Lendu se sont fait la guerre depuis 1999. La milice de Lubanga est tenue pour responsable de nombreux massacres dans ce conflit qui a fait entre 60.000 et 90.000 morts.

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À Bunia, en Ituri, lors du verdict de culpabilité de Thomas Lubanga, en mars 2012Image : Simone Schlindwein

Pour la Süddeutsche Zeitung, les criminels de guerre, au Congo ou ailleurs, devraient se sentir maintenant un peu moins à l'abri. Malgré toutes les faiblesses du procès, les défenseurs des droits de l'Homme, poursuit le journal, voient un signal dans la condamnation de Lubanga : même dans les régions les plus reculées, personne ne peut plus compter sur une impunité totale.

Die tageszeitung se félicite de l'issue du procès. Un procès qui se voulait exemplaire, mais qui a failli capoter plus d'une fois pour vices de forme. L'ancien procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, avait requis 30 ans de prison, les juges ont opté pour la moitié à peine. Mais souligne le journal, si ce procès a valeur d'exemple, c'est justement parce que les juges ne se sont pas laissés aller à une peine maximale, motivée par l'émotion que suscite l'évocation d'enfants soldats.

Kongo Rebellen
Des rebelles à Rutshuru, en 2008Image : picture-alliance/dpa

Nord-Kivu : la fin de la RDC ?

Toujours à propos de la RDC, ce sont bien sûr les affrontements dans la province du Nord-Kivu, entre l'armée congolaise et la rébellion du M23, qui retiennent aussi l'intérêt des journaux. Notamment celui de die tageszeitung qui; au-delà de la relation des faits, propose à ses lecteurs un éditorial intitulé « Requiem pour le Congo ». En est-ce réellement fini du Congo ? demande le journal. En l'espace de quelques jours, la jeune armée rebelle du M23 a réussi à en faire la démonstration à la face du monde.

Un groupe de militaires de l'est du Congo s'est emparé sans combat d'une ville après l'autre, comme s'il s'agissait de jardins d'enfants, alors que les troupes gouvernementales fuyaient en masse, pillaient ou se laissaient désarmer en Ouganda.

Et tout cela après dix années passées par la communauté internationale à injecter des milliards dans l'édification d'un appareil sécuritaire en état de marche, après dix ans de présence de la plus grande mission de Casques bleus au monde, après dix ans de mandat d'un président, Joseph Kabila, courtisé sur la scène internationale, après dix années de processus de paix et de démocratisation ponctués des élections les plus chères et logistiquement les plus compliquées qui aient jamais été organisées dans un pays en guerre civile. Dix années, poursuit le journal, pendant lesquelles l'espoir des Congolais en un avenir meilleur a été éveillé, pour se fracasser encore plus violemment aujourd'hui. À quoi un Congolais peut-il encore croire ? s'interroge die tageszeitung.

Kongo Ostkongo Goma Nyiragongo
Goma avec le volcan NyiragongoImage : AP

L'art de la survie sur roues

La Berliner Zeitung consacre un article à un type de bicyclette qui n'existe que dans l'est du Congo. On les appelle les "chukudu", ce sont des vélos en bois, très rudimentaires, mais qui peuvent transporter des charges énormes, jusqu'à 600 kg. Pour beaucoup d'habitants du Congo, c'est l'unique moyen de transport, écrit le journal, et bien souvent aussi la seule source de revenu.

Joseph Ngongo par exemple est "chukudeur", conducteur donc de chukudu. Il y a quatre ans, il a commencé à transporter sur son vélo en bois des sacs remplis de denrées alimentaires ou de charbon de bois, ce qui peut lui rapporter jusqu'à dix dollars par jour. Le maire de Goma, note le journal, a voulu interdire il y a quelques temps les chukudus dans le centre-ville, ils étaient jugés dangereux pour la circulation. Il a vite abandonné son plan face au tollé qu'il avait provoqué.