"De l'autre côté", le nouveau Fatih Akin
19 novembre 2007Fatih Akin aime par-dessus tout le voyage. C’est à un périple entre Hambourg et Istanbul que nous invite ce réalisateur germano-turc dans «De l’autre côté». Pour nous parler de ce cinquième film, qui a reçu le prix du meilleur scénario au dernier festival de Cannes : le critique de cinéma Joseph Schnelle :
« Fatih Akin est le seul réalisateur en Allemagne qui ose aller vers d’autres horizons, « de l’autre côté ». L’ »Autre côté », c’est bien sûr pour lui la Turquie. C’est son pays d’origine, même si lui, il a grandi en Allemagne. Cette double identité constitue en fait le sujet de tous ses films. »
Après « Head on », Ours d’ors du Festival de Berlin en 2004, Fatih Akin jette à nouveau un pont entre l’Allemagne et la Turquie en montrant deux familles, l’une de Hambourg, l’autre d’Istanbul, rapprochées par le deuil et la double culture. C’est l’histoire de Nejat, professeur de littérature allemande à l’université. Et de son père, travailleur immigré à la retraite, un homme tranquille qui tuera pourtant la prostituée Yeter qui venait d’emménager chez lui. C’est l’histoire également d’Ayten, qui lutte pour plus de démocratie en Turquie - une jeune révolutionnaire qui se réfugie en Allemagne où elle rencontre son âme sœur, la jeune rebelle Lotte. La mère de Lotte est tout d’abord réfractaire à l’arrivée de la jeune fille :
(Extrait de film)
Elle insiste sur le danger de recevoir chez soi une personne qu’on ne connait pas et qui en plus "est en situation irrégulière".
Mais au fil de l’histoire d’amour qui se développera entre sa fille et Ayten, après la mort tragique de Lotte à Istanbul, le personnage de la mère s’adoucira et se chargera de la défense d’Ayten poursuivie par la justice turque. La mère de Lotte est jouée par Hanna Schygulla, la grande dame du cinéma allemand.
« C’est l’une des raisons pour lesquelles ce film est si attachant : la présence de Hanna Schygulla, l’icône du cinéma allemand, l’égérie de Rainer Werner Fassbinder. Hanna Schygulla tenait absolument à jouer dans ce long métrage , parce qu’elle voit en Fatih Akin le nouveau Fassbinder qui a dépoussiéré le cinéma allemand dans les années 70. Les deux réalisateurs sont certes différents, Rainer Werner Fassbinder faisait beaucoup dans l’autodestruction, alors que Fatih Akin est beaucoup plus positif. Mais la passion du cinéma relie les deux hommes. En tous les cas, à l’instar de Fassbinder il y a trente, 35 ans, Fatih Akin a donné un nouveau souffle à notre cinéma. »
Comme l’avait fait donc Rainer Werner Fassbinder, décédé en 1982, avec des films comme "Le Mariage de Maria Braun" sur l’identité de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. « De l’autre côté » vient de recevoir le premier prix du Parlement européen. Un prix qui illustre la richesse linguistique et la créativité artistique du cinéma européen. Les propositions en provenance de Hollywood arrivent en masse chez Fatih Akin, qui reste très flegmatique:
« Moi, vous savez, je suis un auteur dans l’âme –précise-t-il.Je ne m’imagine vraiment pas aller à Hollywood et obéir á tous les impératifs des studios. Je crois que je suis trop fragile pour cela. »