Départ du patron des télécoms allemandes
13 novembre 2006Si Kai-Uwe Ricke doit partir, l’on peut se demander pourquoi maintenant seulement, s’interroge la Frankfurter Rundschau. En septembre déjà, l’assentiment du conseil de surveillance à son programme de restructuration Telekom 2010 avait déjà des allures de dernière chance. La pénible valse-hésitation qui a suivi au sujet de la délocalisation de 45 000 personnes, soit près de la moitié du personnel, dans deux grandes sociétés privés pour réduire les salaires de manière drastique, a été le coup de grâce. Ricke a perdu tout soutien chez les représentants du personnel et chez l’actionnaire.
Quelle curieuse alliance d’ailleurs, ironise die Welt. Dans une étrange harmonie, les représentants syndicaux se rallient à l’investisseur américain Blackstone pour éjecter le grand patron. Une alliance qui ne durera certainement pas longtemps, poursuit le quotidien, car les motifs des syndicats et de ceux que Franz Müntefering qualifiait autrefois de « sauterelles rapaces » sont fondamentalement opposés. Si les syndicats ne veulent plus de dégraissages radicaux, l’américain lui en veut encore plus pour faire remonter durablement la valeur de ses actions.
Il est vrai que c’était « Mission impossible » pour Kai-Uwe Ricke, relève le Financial Times Deutschland. Chargé à la fois de relever le cours de l’action, de s’imposer à l’international et de tenir tête à une concurrence acharnée sur le marché intérieur, il n’avait pourtant pas le droit d’utiliser l’arme des licenciements économiques pour supprimer des dizaines de milliers d’emplois surnuméraires.
L’héritage est lourd, souligne de son côté la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Mais René Obermann a démontré à la tête de la filiale de téléphonie mobile du géant allemand des télécoms qu’il possède les qualités requises pour poursuivre le travail entamé. Ce choix incarne aussi une solution allemande dans une entreprise qui appartient encore pour les deux tiers à l’état allemand et qui réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires en Allemagne.
C’est que ce n’est pas si facile de donner à un ancien monopoliste étatique le profil d’entreprise de marché, relève la Süddeutsche Zeitung. Certes, il est bon que l’Etat se retire partout où il n’est plus nécessaire. Mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain et surtout, ce désengagement doit s’accomplir de manière conséquente. Les télécoms allemandes accomplissent aujourd’hui une telle étape : un nouveau patron arrive. L’Etat se retire un peu plus. Les investisseurs privés prennent le pouvoir. Certes, ils ne pilleront pas l’entreprise comme des sauterelles rapaces, mais ils vont la transformer. Plus rapidement que jusqu’ici, conclut le quotidien.