Compaoré tente de reprendre la main
17 avril 2011La colère gronde au pays des hommes intègres : la mutinerie qui est partie de Ouagadougou jeudi a désormais gagné Pô, situé à environ 140 kilomètres au sud de la capitale. Des tirs ont été entendus dans la nuit de samedi à dimanche et des soldats se sont livrés à des pillages, selon des témoins. Pô est un lieu hautement symbolique pour Blaise Compaoré. En 1983, c'est de Pô qu'il est parti pour renverser le commandant Jean-Baptiste Ouédraogo et installer au pouvoir son compagnon d'armes Thomas Sankara. C'est aussi à Pô que tous les hommes de l'actuelle garde présidentielle ont été formés.
La série de mesures prises par le chef de l'Etat - au pouvoir depuis 24 ans - n'a donc pas suffi à appaiser ses concitoyens. Blaise Compaoré n'en est certes pas à sa première contestation : depuis février, les militaires, les étudiants, les magistrats et les commerçants se succèdent dans la rue pour manifester leur colère. Cette fois cependant, il semble qu'il ait pris la mesure des évènements. Vendredi, après avoir passé quelques heures à Ziniaré, sa ville natale, il rentre à Ouagadougou, dissous le gouvernement du Premier ministre Tertius Zingo et limoge le chef d'état-major des armées, le général Dominique Dhindhéré, qu'il remplace par le colonel-major Nabéré. Samedi, il va encore plus loin en nommant également de nouveaux responsables à la tête des armées de terre, de l'air et de la gendarmerie. Enfin, il instaure un couvre-feu entre 19h et 6h du matin dans la capitale.
Ce couvre-feu fait suite à la colère des commerçants du principal marché de Ouagadougou, qui s'en sont pris samedi à plusieurs édifices publics, dont le siège du parti au pouvoir, en plein centre de la capitale, en signe de protestation contre les pillages de leurs magasins par les mutins.
La nuit de samedi à dimanche a été calme à Ouagadougou mais, à en croire l'opposition, Blaise Compaoré fait face à une crise "très profonde et structurelle" qu'il ne pourra pas régler avec une simple "pommade". Depuis jeudi, les troubles ont déjà fait au moins une quarantaine de blessés, selon une source hospitalière, dont certains par balle. Auteur : Konstanze von Kotze avec AFPEdition : Sébastien Martineau