Côte d’Ivoire : la "grande muette" n'est plus muette
12 mai 2017Le mouvement de ce vendredi est survenu quelques jours après la grogne d'ex-rebelles démobilisés à Bouaké. Ces derniers avaient annoncé jeudi à la radiotélévision ivoirienne qu’ils renoncent à leurs revendications financières. Il faut rappeler que lors de leur mutinerie en janvier, les soldats s'étaient vu promettre une prime de 12 millions de francs CFA pour retrouver le calme. Ils n'en ont obtenu que cinq millions, soit 7 500 euros. Les sept millions restants devraient leur être versés à partir de ce mois de mai, d'où cette nouvelle révolte. Mais ces promesses n’auraient pas dû être faites par le président Allassane Dramane Ouattara, fulmine Pascal Affi N'Guessan, le président du FPI, le Front Populaire Ivoirien. D’autant que le pays traverse une crise financière aiguë, due à la baisse du prix de la fève de cacao dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial :
" On refuse de voir que le pays est en crise, qu’il faut des mesures politiques plus courageuses et qu’il faut s’asseoir autour d’une même table pour négocier de l’assainissement de l’environnement politique, économique et social. C’est pourquoi, nous avons appelé à la formation d’un gouvernement d’union nationale et de transition de manière à ce que la Côte d’Ivoire reparte sur des bases nouvelles dans la paix et la stabilité "
La société civile ivoirienne agacée
Bien qu'il trouve légitime les revendications des soldats ivoiriens, le président de l’Observatoire ivoirien des Droits de l’Homme (OIDH) Eric Aimé Semian, critique la méthode utilisée pour les exprimer:
" Nous ne comprenons pas que dans une République organisée, les militaires se lèvent, contestent, prennent les biens des honnêtes gens, tirent, terrorisent et traumatisent la population. On a l’impression qu’en face, la réaction des autorités est molle. Elle est fébrile. Alors pourquoi est-ce que pour les militaires, on est très pressé de satisfaire leurs revendications et pour les fonctionnaires, les autres corps de métiers, enseignants, personnel de santé, etc…on ne le fait pas. Cette politique de deux poids deux mesures également nous inquiète"
La plupart des soldats mutins sont d’anciens rebelles dont s’était servi le président Alassane Dramane Ouattara pour arriver au pouvoir. C’est pourquoi de nombreux observateurs accusent Guillaume Soro, l’actuel Président de l’Assemblée nationale ivoirienne, de tirer les ficelles, puisque c’est lui qui était leur chef politique, jusqu’à la chute de Laurent Gbagbo en 2011.
Rappelons que les mutins avaient aussi investi le centre de Bouaké, la deuxième ville du pays et épicentre de la mutinerie de janvier. La plupart des commerces, écoles, l'université et même un commissariat et la préfecture de police ont été fermés, selon plusieurs sources. La situation est similaire à Korhogo et Odienné dans le nord.
En janvier dernier, la mutinerie avait paralysé plusieurs villes, notamment Abidjan. Des affrontements avaient fait quatre morts à Yamoussoukro, la capitale politique.