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Burundi: Nkurunziza ne sera pas candidat en 2020 - réactions

7 juin 2018

Le président burundais Pierre Nkurunziza a annoncé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat en 2020. Une annonce surprenante faite à l'occasion de la cérémonie de promulgation de la nouvelle constitution à Gitega.

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Burundi Pierre Nkurunziza, Präsident
Image : picture-alliance/AP Photo/B. Mugiraneza

"Le président Pierre Nkurunziza est sincère" (Gaston Sindimwo)

Dans le camp au pouvoir, on se réjouit de ce coup médiatique. Mais l’opposition et la société civile n'y croient pas.

"Notre mandat s'achève en 2020", a lancé tout de go Pierre Nkurunziza devant un parterre d’invités : diplomates accrédités dans le pays, les officiels burundais et des milliers de partisans.

Dans son discours prononcé en kirundi, la langue nationale du pays, le président burundais a rappelé avoir promis lors de son investiture en 2015 de ne pas se maintenir au pouvoir après l’expiration de son actuel mandat.

"C'est un homme de parole. Quand un homme de parole parle, il est sincère. Non. La révision de la Constitution, ça n'a rien à voir avec le président. Parce que la constitution, c'est une loi qui reste et est applicable par le président actuel et le président qui va venir", a déclaré à la DW Gaston Sindimwo, le premier vice-président du Burundi.

L'annonce du président burundais n’émeut pas, le porte-parole de la principale plate-forme de l’opposition en exil, le CNARED.

"On ne peut pas se racheter en enterrant un pacte de cohabitation comme l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation. S'il avait été mieux inspiré, il n'aurait pas apposé sa signature à cette constitution de tous les dangers, à cette constitution qui est une déclaration de guerre au peuple burundais. C'est uniquement pour la presse, pour gagner du temps. Au niveau du CNARED, c'est un non-évènement", soutient Pancras Cimpaye

Louis Michel : "C'est grotesque. Il n’y a pas de démocratie au Burundi."

La promulgation de la nouvelle constitution est par ailleurs également dénoncée par Louis Michel. "C'est grotesque. Ça ne répond à aucun état de droit. Mais il y a longtemps déjà que le président Nkurunziza a fait sortir son pays et le système de l'état de droit. Les droits humains ne sont pas respectés. Il y a des gens qui sont massacrés et qui sont tués. Il n’y a pas de démocratie au Burundi. Et en plus, il ne respecte pas les accords d'Arusha" estime le député du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe au Parlement européen.

Pourtant, l’adoption  de la nouvelle constitution donne théoriquement la possibilité au président Nkurunziza de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034. Beaucoup d’observateurs continuent de s’interroger sur ce qui se cache derrière cette déclaration inattendue du président burundais.


 

L'annonce du président burundais a surpris plus d’un au Burundi et ailleurs. À ce sujet, la rédaction a recueilli la réaction de Gaston Sindimwo, le Premier vice-président du Burundi. Pour Gaston Sidimwo, cette décision était prévisible parce que la loi l’a interdit.

DW : Et est-ce que le président ne va pas changer d’avis parce que l’opposition ne croit pas du tout en sa parole ?

Gaston Sindimwo: ça serait l’affaire. Donc, le président, il a fait son discours, c’est qu’il ne croit pas et n’a qu’à faire ce qu’ils veulent.

DW : Il ne va pas changer d’avis d’ici à 2020 ?

Gaston Sindimwo : C’est un homme de parole, quand un homme de parole parle il est sincère.

DW: Et à quoi aura servi alors la révision constitutionnelle s’il ne devait pas être candidat en 2020 ?

Gaston Sindimwo: Non, la révision de la constitution, ça n’a rien à voir avec le président parce que la constitution, c’est une loi qui reste et qui est applicable par le président qui est actuel et le président qui va venir.  Donc, on a changé la constitution pour l’adapter à la situation du moment, à la situation réelle du moment par rapport à l’EAC et par rapport aux avancées remarquables de l’Etat burundais.

DW : Oui, mais vos opposants et de nombreux acteurs de la société civile pensent que la nouvelle constitution a fait perdre le consensus obtenu en 2000 à Arusha.

Gaston Sindimwo : Ce n’est pas vrai, ce sont des menteurs. Ce sont des menteurs et ce qui prenait leur force c’était  que le président de la République allait être président à vie jusqu’en 2034. Donc, cet argument vient d’être balayé, donc ils n’ont rien à dire, ils n’ont plus d’arguments.

 

 Pancras Cimpaye, le porte-parole de la principale plate-forme de l’opposition en exil, le CNARED reste pour sa part méfiant.

 Pancras Cimpaye: Pierre Nkzurunziza, qui s’est arrangé à faire un troisième mandat en violant la Constitution, ne pourra pas s’empêcher de faire la même chose en 2020. Qui peut encore croire en sa parole ? Pierre Nkzurunziza, qui a préféré  s’associer à la mort de 3000 personnes pour imposer son troisième mandat. 5% de la population burundaise a dû s’éxiler, 10 000 burundais sont en prison pour son troisième mandat. (…) Honnêtement, comment peut-on encore avoir confiance en lui ? Ce n’est pas un homme de parole. Si tel était le cas, peut-être on l’aurait cru, sinon il y a pas moyen de croire à cette déclaration.

Pancras Cimpaye:"Pierre Nkurunziza n'a jamais respecté sa parole"

DW : Pierre Nkurunziza n’a jamais pris de tels engagements, il n’était pas obligé de le dire publiquement.

 Pancras Cimpaye: Pendant trois ans, le sang a coulé. Pierre Nkurunziza est le premier responsable de la fragilité du peuple burundais. Pourtant, ses collègues et amis l’avaient conseillé, l’avaient dissuadé pour qu’il ne fasse pas de troisième mandat, mais il l’a fait. Et un bain de sang a coulé sur le peuple burundais. Aujourd’hui, aujourd’hui, il a préféré fermer hermetiquement, définitivement les négotiations d’Arusha, pour faire des referundums pour promulguer une Constitution liberticide. Une Constitution qui enterre l’accord d’Arusha. Un homme qui enterre l’accord d’Arusha n’est pas digne de confiance. (…)

DW : Peut-être que Pierre Nkurunziza a pris en compte toutes vos revendications parce que l’opposition a toujours exigée qu’il se retire du pouvoir à l’issu de ce mandat que vous avez qualifié d’illégal. Peut-être qu’il s’est racheté ?

 Pancras Cimpaye: On ne peut pas se racheter en enterrant un pacte de co-habitation comme l’accord d’Arusha qui appelle à la réconciliation. Si tel était son état d’esprit, s’il avait de très bons sentiments aujourd’hui, s’il était très bien inspiré, il n’allait pas poser une signature à cette constitution de tous les dangers, à cette constitution qui est une déclaration de guerre au peuple burundais. S’il avait de bons sentiments, il devait remettre à l’honneur l’accord d’Arusha qui appelle à la réconciliation du peuple burundais. (…)

DW : Donc en somme, Pancrace Cimpaye, vous pensez que c’est du bluff ?

 Pancras Cimpaye: C’est du bluff, c’est pour la consommation de l’opinion, c‘est pour la consommationn de la presse, pour qu’il gagne du temps.  Enterrer les accords d’Arusha  est un geste inacceptable, c’est un geste de trahison. Un tel traître ne merite aucune confiance. Il ne peut plus être un homme de parole. Quand il a enterré ce pacte que les Burundais avaient signé entre eux, qui avait été pris en tant que pacte de co-habitation pacifique et qui raconte les vertus de la démocratie.

DW : D’accord, donc vous ne prenez pas au sérieux ses déclarations ?

 Pancras Cimpaye: Pas du tout, pas du tout, pas du tout ! Ce serait une aberration que de croire en cette déclaration farfelue.

DW : Mais est-ce que vous ne vous êtes tout de même pas fait avoir par le Président ? 

 Pancras Cimpaye: Non, je vous dirais même, pour moi c’est même un non-événement. Si le président Nkurunziza avait déclaré qu’il déchirerait cette constitution liberticide et qu’il reprenait la constitution de 2015 là, là on pourrait dire qu’il est honnête.

DW MA-Bild Eric Topona
Eric Topona Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleETopona