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Burundi, l'ethnisation au service du pouvoir

Domitille Kiramvu7 novembre 2015

L'ultimatum du président burundais aux opposants et les propos de certains responsables politiques rappellent les heures sombres du Rwanda. Une tribune de Domitille Kiramvu.

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Domitille Kiramvu, correspondante de la DW en exil
Domitille Kiramvu, correspondante de la DW en exilImage : DW

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Pierre Nkurunziza a lancé lundi un ultimatum de cinq jours à tout détenteur illégal d’armes à feu à les déposer au plus tard le 7 novembre. Son discours suscite la peur déjà intensive au sein de la population de la ville de Bujumbura. Car il reflète les menaces d’extermination des quartiers, prononcés ouvertement par le président du Sénat Révérien Ndikuriyo lors d’une réunion avec les responsables administratifs de la capitale.

Les propos de Révérien Ndikuriyo

Il a invité les responsables des quartiers de Bujumbura à se tenir prêts pour "travailler". Un terme qui rappelle les heures sombres du Rwanda ou "travailler" était un code utilisé pour signifier "exterminer". Révérien Ndikuriyo a tenu des propos incendiaires, utilisant des termes faisant référence au génocide des tutsis au Rwanda en 1994 pour évoquer la répression vis-à-vis des manifestants anti-troisième mandat, qualifiés ici de criminels, qualifiés là de terroristes.

L’ultimatum du président Nkurunziza intervient au moment où les assassinats et les disparus ne se comptent plus en ville de Bujumbura depuis le début de la répression des manifestants anti-troisième mandat. Des actes imputés à certains membres des services de sécurité et des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure.

Un conflit avant tout politique

Cet ultimatum s’adresse par ailleurs à certains quartiers qui ont contesté son troisième mandat. Il s’agit de Nyakabiga, Musaga, Mutakura Ngagara et Cibitoki, des quartiers majoritairement tutsis. Les autres quartiers à majorité hutue ne sont pas concernés par cet ultimatum. Il s’agit de Buterere, Buyenzi et Kanyosha. Ce qui est paradoxale parce que ces quartiers ont également manifesté. Ce n’est pas pour dire que les hutus ne sont pas visés par la dictature de Nkurunziza. C’est un secret de polichinelle. Tout hutu qui s’oppose à sa folie meurtrière est un homme à abattre.

En outre, Nkurunziza a réussi à ethniser un conflit qui était jusque là politique. Il a envoyé ses ténors pour sillonner le pays pour enseigner une idéologie ethniste, leur proposant de diffuser des textes montrant que ceux qui luttaient contre le troisième mandat n’étaient que des tutsis. Ils disaient en termes voilés : "ce sont ceux là qui ont gardé le pouvoir pendant 40 ans, qui ont endeuillé ce pays, qui veulent revenir au pouvoir en prétextant lutter contre le troisième mandat". Ses ténors en profitaient pour lancer une alerte sentimentaliste et ethniste dans les milieux hutus.

Éviter le bain de sang

C’est pour cela que les jeunes de ces quartiers qui sont dans le collimateur du pouvoir Nkurunziza se sont procuré des armes pour leur autodéfense. Ces jeunes là respecteront-ils jamais l’ultimatum qui leur a été adressé pour remettre leurs armes ?

Cela étant, la situation actuelle est telle que les uns détiennent le pouvoir illégalement. Les autres détiennent des armes illégalement pour leur autodéfense légitime. Que les deux remettent ce qu’ils détiennent illégalement et sans ultimatum pour que les Burundais aient la paix. Si rien n’est fait, il risque d’y avoir un bain de sang.