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Burundi, la guerre des tweets

Anne Le Touzé13 décembre 2015

Les troubles qui se sont produits vendredi à Bujumbura ont montré une fois de plus le poids des réseaux sociaux dans la crise burundaise. À chaque étape-clé, informations et intox circulent à tout-va sur les plateformes.

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Burundi Gewalt ARCHIVBILD
Image : picture-alliance/dpa/D. Kurokawa

D'un côté, il y a les opposants exilés, pour qui les réseaux sociaux sont à la fois source d'information et arme de communication à distance, surtout depuis que les radios privées ont été réduites au silence. De l'autre, il y a le pouvoir et ses représentants, qui utilisent les plateformes sociales pour démentir des informations et donner leur version des faits. Et au milieu, il y a le public burundais et international, qui assiste à ces échanges, y participe parfois et, surtout, se demande qui croire.

Qui croire ?

C'est le cas de la blogueuse burundaise Dacia Munezero. Dans un post récent sur son blog "Mon point de vue", elle estime qu'une "guerre de communication impressionnante" est en cours dans son pays.

"À chaque événement tragique, écrit-elle, deux versions des faits se contredisent: Celle des témoins relatée par les réseaux sociaux et celle de la police ou de l'armée". La blogueuse dénonce également le type d'informations publiées sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter : parfois, ces informations sont "exagérées et engendrent la peur, la haine, et les insultes entre les deux camps. Il devient de plus en plus difficile pour les gens de faire la différence entre intox et information vérifiée. Et certains sites ou personnes n'hésitent pas à inventer des détails pour aggraver les faits, en utilisant des photos anciennes ou prises ailleurs qu'au Burundi."

Le groupe CORRIS (Communication, Réseaux & Recherche sur les Interactions Sociales) dénonce lui aussi l'usage de photos choquantes. Membre de cette association burundaise, Edgar Charles Mbanza estime dans un post sur Facebook que "désormais au Burundi, on tue pour 'montrer', pour diffuser sur les réseaux sociaux". Il affirme que "plusieurs témoignages recueillis à Bujumbura et à l'intérieur du pays confirment que des miliciens ou assimilés, de différents bords, se vantent clairement de 'fournir' plus que les autres les réseaux sociaux".

Une communication officielle organisée

Par rapport au début de la crise burundaise, le pouvoir a nettement renforcé son dispositif de communication sur les réseaux sociaux. Fin avril, au plus fort de la contestation anti-troisième mandat, les réseaux tels que Whatsapp, Facebook et Twitter avaient été coupés sur téléphone mobile à Bujumbura. Une suspension ordonnée par l'Agence de régulation et de contrôle des télécoms (ARCT).

Mais depuis, à chaque grande étape de la crise burundaise, on a assisté à des batailles par posts, tweets ou photos interposés entre opposants et pouvoir. Le conseiller média de la présidence, Willy Nyamitwe, notamment, est très actif sur Twitter. Il observe les informations publiées par les opposants et les médias étrangers, les interpelle personnellement et publie systématiquement des démentis, accusant les uns de mentir et les autres de ne pas vérifier leurs sources.

Si Willy Nyamitwe est l'homme des petites besognes, dans les moments vraiment critiques, c'est la présidence elle-même qui rétablit si besoin la vérité. Ainsi en mai, lors de la tentative de coup d'Etat du général Godefroid Nyombare, le compte Twitter Burundi Présidence a immédiatement publié un tweet pour démentir le putsch. Même chose vendredi, lorsqu'il était question d'imposer l'état d'urgence à Bujumbura.

Au sein même du pouvoir, les responsables ne semblent pas avoir peur des contradictions. Alors que de nombreux témoins évoquaient vendredi dernier des rues vides à Bujumbura et qu'un conseiller de la présidence, Landry Sibomana, confirmait cette information, Willy Nyamitwe, lui, affirmait dans le même temps que les enfants étaient à l'école et les gens au travail. Alors, qui croire ?