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Pourquoi François Compaoré n'a pas été extradé

14 juin 2018

La justice française a reporté au 3 octobre sa décision sur l'extradition du frère de l'ex-président du Burkina Faso, mis en cause dans l'enquête sur l'assassinat du journaliste Norbert Zongo. Les raisons.

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Burkina Faso | Francois Compaore 2012
Image : Getty Images/AFP/A. Ouoba

"La justice française est impartiale " (Me Stanislas Bénéwendé Sankara)

François Compaoré est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis le 5 mai 2017. Fin octobre 2017, il  a été arrêté à l’aéroport international de Roissy Charles-de-Gaulle, puis placé sous contrôle judiciaire. Pourquoi la justice française ne s’est-elle pas prononcée sur son extradition ? Nous expliquons pourquoi.

Manque "d'éléments matériels précis"

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a estimé qu’elle n’avait pas assez d’éléments prouvant l’implication de François Compaoré dans le cadre de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, tué en 1998.

"La justice française a demandé des éléments. C'est à nous de les fournir", a reconnu Maïza Sérémé, la procureure du Faso.

L'avocat de François Compaoré avait déclaré à l'agence AFP: "Le Burkina Faso, depuis bientôt un an que cette procédure a commencé, n'a pas été en mesure de nous adresser les pièces matérielles qui peuvent corroborer les accusations portées contre François Compaoré." 


"Pourquoi ? Parce qu'elles n'existent pas", a ajouté Me Pierre-Olivier Sur, qui dit tout de même craindre "la tentation du faux en écriture" de la part de l'État requérant. "C'est avec une confiance absolue que nous abordons cette dernière phase.

Réponse de l'avocate de l’Etat burkinabé: "Les informations complémentaires réclamées par la Cour d'appel seraient fournies."

"Il ne me paraît pas surprenant que la chambre de l'instruction souhaite être parfaitement informée pour prendre sa décision. Cela me paraît, au contraire, bien pour une bonne administration de la justice", a poursuivi Anta Guissé.

Des pressions politiques ?

La justice française subit-elle des pressions politiques, comme le sussurent certains analystes politiques burkinabè ?

"La justice française est véritablement impartiale et le juge va certainement travailler sur les pièces à convictions", répond Me Stanislas Bénéwendé Sankara.

"Je ne vois pas d'interférences politiques. Sauf que Norbert Zongo a été tué justement parce qu’il avait une conviction et un engagement politique", ajoute celui que est aussi le  premier vice-président de l'Assemblée nationale du Burkina, par ailleurs  président de l'Union pour la Renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS).


Selon Maître Marian Maud, avocate au barreau de Paris, "si la chambre d’instruction renvoit à une audience pour avoir plus d’informations, c’est que véritablement, elle n’en a pas assez. Moi, j’ai confiance en ma justice. Ce sont des magistrats d’envergure. Ce sont des techniciens. Si le dossier est bien constitué, que ce soit tel ou tel pays qui réclame dans telle ou telle condition, elle accordera s’il faut accorder".

Néanmoins, Guézouma Sanogo, le président de l'Association des journalistes du Burkina Faso, reste vigilant et exige une forme de volonté politique entre la France et le Burkina

Burkina Faso |  Norbert Zongo 2012
Une photo du journaliste d'investigation Norbert Zongo affichée à Ouagadougou.Image : Getty Images/AFP/A. Ouoba

Le journaliste Norbert Zongo et trois de ses accompagnateurs ont été retrouvés mort le 13 décembre 1998 à Sapouy, situé dans le sud du Burkina Faso. Ils enquêtaient sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré.

En 2003, le dossier Zongo a été classé sans suite après un "non-lieu" en faveur du seul inculpé, François Compaoré. Il a été rouvert après la chute  du président Blaise Compaoré, fin octobre 2014. Trois ex-soldats du RSP, le  Régiment de sécurité présidentielle, ont été inculpés en décembre 2015.

Les conditions pour être extradé selon la loi française

Selon Me Manuel Abitbol, avocat au barreau de Paris, la loi française prévoit "deux cas de figure" pour une extradition.

Le premier est celui dans lequel la France est "l’État requis". "C’est à dire qu’un État tiers demande à la République française d’extrader un individu se trouvant sur son territoire national, en vue d’un jugement ou d’une exécution de peines sur le sol de l’État requérant", explique l'avocat.

"Dans le second cas, l’État français est l’État requérant et  donc celui qui demande à un autre État de lui remettre un individu qui aurait commis un crime ou un délit sur le territoire français", poursuit-il.

Maître Marian Maud, avocate au barreau de Paris :"Moi, j’ai confiance en ma justice. Ce sont des magistrats d’envergure. "

Comme de nombreux pays, ajoute Me Manuel Abitbol, la France n’extrade un individu que si certaines conditions sont respectées. Ainsi, un individu de nationalité française ne peut être extradé de France vers un pays étranger.

"Deuxièmement, le pays n’extrade pas un individu pour un fait qui n’est pas passible d’une peine correctionnelle ou criminelle selon la loi française."

Et dans le cas où l’individu n’aurait pas encore été jugé, "la France ne pourra l’extrader que si la somme des peines encourues est égale ou supérieure à deux ans", explique-t-il.

Aussi, poursuit Me Manuel Abitbol, "lorsque le crime reproché ou commis par l’individu est un crime politique, la France peut choisir de ne pas extrader l’individu demandé par l’État requérant".  

"La peine de mort ayant été abolie en 1981, l’Hexagone refuse d’extrader une personne qui serait menacée de peine capitale dans un pays tiers", conclut  Me Manuel Abitbol.

DW MA-Bild Eric Topona
Eric Topona Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleETopona