Blasphème ou liberté d'opinion, le débat continue
21 septembre 2012Selon un sondage publié jeudi et réalisé par l'institut N24-Emnid, une écrasante majorité des Allemands (72%) sont contre la diffusion en public du film anti-islam « L'innocence des musulmans ». Seuls 21% se disent pour.
Alors que plusieurs manifestations sont prévues ce vendredi et ce week-end un peu partout dans le monde pour protester contre la diffusion de ce film, en Allemagne les médias, le monde politique, les responsables religieux et les experts juridiques débattent pour définir où commence et où finit la liberté d'expression.
Le paragraphe 166
Il existe dans le code pénal allemand un paragraphe 166, communément appelé « le paragraphe sur le blasphème ou l'outrage à Dieu ». Mais cette appellation n'est pas tout à fait correcte. Car la médisance ou l'injure envers Dieu lui-même ou un prophète, n'est plus passible de poursuites judiciaires et cela depuis 1969 déjà. Cette année là, le paragraphe 166 a été amendé.
Depuis, seul encourt une peine de prison allant jusqu'à trois années ou une amende celui qui « publiquement ou par la publication d'écrits offense la croyance religieuse ou la conception du monde d'autrui – mais uniquement si cela est fait de telle manière que l'ordre social et la paix publique risquent d'être troublées. »
Peu de plaintes déposées
Selon le Dr. Henning Müller, Professeur en Droit pénal et criminologie à l'Université de Regensburg, quand un plaignant invoque ce paragraphe, le procureur clôt la plupart du temps le dossier parce qu'il considère que le fait incriminé fait partie de la liberté d'opinion… tant que l'ordre public n'est pas menacé. Aussi le nombre de plaintes déposées dans ce domaine est réduit : « Au cours des dernières années pas plus de dix personnes ont été condamnées en vertu de cette loi sur le blasphème, paragraphe 166 du Code pénal, cela n'a donc pratiquement qu'une très faible incidence … »
En 2000, des politiciens conservateurs avaient en vain présenté un projet de loi visant à supprimer la notion de « trouble de l'ordre public » dans le but de renforcer le paragraphe 166. Et aujourd'hui certains politiciens et prêtres catholiques plaident à nouveau pour une interprétation plus sévère de la loi pour rétablir, disent-ils, l'égalité des chances avec l'Islam : « Si une religion est offensée, une religion dont les croyants réagissent de manière particulièrement émotionnelle ou de manière particulièrement aggressive, alors de telles injures pourraient troubler la paix sociale… » estime Henning Müller.
Comme le souligne le professeur Müller, une religion dont les adeptes sont plus tolérants, se trouve, dans la pratique, moins protégée par la législation actuelle. Un paradoxe pour le législateur et les autorités. Le débat est loin d'être terminé !