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Appel à l'unité entre les religions de Centrafrique

Anne-Claude Martin24 février 2014

Oumar Kobine Layama, président de la communauté islamique centrafricaine, prend les menaces de groupes islamistes radicaux au sérieux mais déplore leur recours à la violence. Il appelle les Centrafricains à rester unis.

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Des Peulhs ayant survécu à des attaques d'anti-balaka, en janvier 2014
Des Peulhs ayant survécu à des attaques d'anti-balaka, en janvier 2014Image : picture alliance/Amnesty International

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Oumar Kobine Layama, président de la communauté islamique centrafricaine, estime que le conflit en République Centrafricaine n'est pas d'ordre religieux. C'est pourquoi il en appelle à la raison de ses concitoyens, et à l'unité, pour ne pas laisser d'acteurs récupérer les violences et les tensions du pays. Il s'en explique dans cette interview accordée à la Deutsche Welle. Pour la version audio, c'est ici.

En RCA, des musulmans trouvent refugent dans des églises

Layama: Ma réaction [aux appels et menaces d’Aqmi et des taliban afghans] serait négative. Pour quelles raisons ? Parce que ce qui se passe en Centrafrique n’est pas un problème de religions, ce n’est pas une guerre religieuse, c’est une guerre militaro-politique. La France était venue en Centrafrique suite à la demande des autorités du pays de l’époque, qui était présidé par Djotodia. Vu la situation complexe, il a été obligé de tendre la main à la France pour qu’elle l’aide à sécuriser, à mettre de l’ordre – ainsi que les forces de la Misca qui sont venues. Et nous n’avons pas le même problème que d’autres pays, où on entend que les leaders religieux musulmans et chrétiens se rentrent dedans, appellent à la résistance, demandent à leurs fidèles d’aller combattre les autres… ce n’est pas le cas de la République Centrafricaine.

Zentralafrikanische Republik Gewalt Bangui 01.02.2014
Scène de violence quotidienneImage : picture alliance/AP Photo

En République Centrafricaine, ce sont les leaders religieux qui protègent les musulmans. Dans les églises. C’est un cas spécifique, et même, on peut le dire, du jamais vu. Donc je ne pense pas que ces appels-là soient vraiment fondés pour aller déposer des bombes là où ce n’est pas indiqué. Et en République Centrafricaine, il y a encore des villes où les chrétiens et les musulmans vivent ensemble ! Donc les chrétiens n’ont pas de problème avec les musulmans, mais ce sont des groupes militaro-politiques qui ont pour objectif de tuer les chrétiens et tuer les musulmans. Moi, en tant que premier responsable de l’islam dans le pays, je m’inscris en porte-à-faux vraiment, vraiment, par rapport à ces déclarations que je juge irresponsables.

DW: Est-ce que la mobilisation sur les réseaux sociaux est une menace à prendre au sérieux ?

Layama: Oui, ce sont des menaces à prendre au sérieux. Car la presse internationale qui arrive en République Centrafricaine trouve dans les milieux musulmans des musulmans qui ont cette intention. Qui ont même dit que bientôt ils auront des armes, que les Boko Haram, des djihadistes vont entrer dans le pays. Cette idée circule dans certains milieux de mes frères musulmans du pays, je ne peux pas cacher cela. Nous devons tous faire des efforts pour stabiliser le pays, que les forces conventionnelles et internationales en place puissent protéger la population en général, et, là où la population musulmane est plus inquiétée, que cette force puisse les sécuriser, pour que ceux qui sont sortis, par peur ou par obligation, puissent rentrer, revenir dans leur pays.

Rester ensemble

Nous devons vraiment rester ensemble pour trouver une solution à notre crise. Parce que nous aussi, musulmans, avons notre part de responsabilité dans cette crise. Notre silence complice a contribué aux exactions des Seleka quand ils étaient au pouvoir. Si tous les imams avaient pu se joindre à ma voix pour qu’on puisse vraiment unanimement rappeler nos frères qui étaient au pouvoir de respecter les droits humains, de cesser les exactions, les tueries, les pillages, les assassinats, on n’en serait pas arrivé là aujourd’hui.

Zentralafrika Unruhe Protest am 23.12.2013
Les forces Sangaris et Misca peinent à rétablir l'ordreImage : MIGUEL MEDINA/AFP/Getty Images

DW: Peut-on craindre une intevention d’Aqmi ou Boko Haram en RCA ?

Layama: Les forces venues pour sécuriser le pays ont entendu ces appels. Je suis sûr et certain, j’ai confiance : ils peuvent mettre des mesures en place pour éviter des attaques capricieuses ou irresponsables sur la population générale. Parce que ceux-là, s’ils viennent, il faut encore s’attendre à des milliers de morts dans les quartiers. Et puis la cause qui peut les amener à venir ici, même si c’est l’extension de l’islam… Dieu nous a dit dans le Coran : « Pas de contrainte en religion ». Même si les musulmans étaient majoritaires, ils ne pourraient pas contraindre 1% de population chrétienne à devenir musulmane. Les chrétiens doivent pouvoir pratiquer leur religion sans être inquiétés. Comme le Prophète l’avait fait à Médine, avec toutes les communautés, toutes les cultures : chrétiens, musulmans, athées… tous vivaient ensemble et personne n’était inquiété dans sa pratique. Donc je ne comprends pas comment on peut avoir d’autres visions aujourd’hui, qui ne peuvent pas cadrer avec notre religion. Ça inquiète les musulmans qui veulent appliquer l’islam dans toute sa logique.