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Libye : Amnesty International accuse Bruxelles de complicité

12 décembre 2017

Amnesty International accuse les gouvernements européens de complicité dans la détention des migrants en Libye, et l'Union européenne d'avoir aidé des garde-côtes libyens impliqués dans le trafic d'êtres humains.

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Libyen Flüchtlingslager
Image : picture-alliance/dpa/S. Kremer

Selon l'ONG de défense des droits de l'homme, les Etats européens soutiennent le système d'exploitation des réfugiés en Libye, de façon à empêcher leur traversée de la Méditerranée. Dans ce rapport publié ce mardi, l'ONG affirme que l'Union européenne et l'Italie seraient "complices de la violation des droits humains et de tortures" dont sont victimes les migrants en Libye. Pour porter ces accusation, Amnesty International s'appuie sur l'accord passé entre l'Union européenne et la Libye, un accord dans lequel l'Italie a joué un grand rôle. 

L'ONG déplore, par exemple, les 46 millions d'euros donnés à la Libye pour l'aider à renforcer la protection de ses frontières. Une aide qui devrait être condtionnée au respect des droits de l'homme dans le pays, selon le directeur Europe d'Amnesty international, John Dalhuisen. "C’est une évidence qu’il y a entre les autorités libyennes et italiennes le désir de coopérer avec le plein soutien de l’Union européenne. De coopérer avec les gardes-côtes ou le ministère de l’Intérieur libyen par exemple", explique-t-il.

Une coopération malgré les violations des droits de l'homme

Libyen Küstenwache auf Patrouille
Image : Getty Images/AFP/T. Jawashi

Mais d'après lui, l'Union le fait en connaissant les abus, les centres de détentions, en sachant que les gardes-côtes frappent les migrants. "Rien n’est nouveau, pour personne. Donc en collaborant avec la Libye, l’Europe commet des abus et ne respecte pas ses obligations de respect des droits de humains", estime John Dalhuisen. Il cite encore un cas récent de violation des droits de l'homme commis par les gardes-côtes libyens, avec un bateau fourni par l'Italie. ""L’incident en question est une opération de secours durant laquelle on voit les garde-côtes libyens frapper les réfugiés. On les voit aussi partir et laisser des réfugiés qui appellent au secours. Au final c’est un incident qui a couté la vie à 50 personnes !"

Une coopération entre la Libye et l'Europe qui aurait dû être dénoncée par les dirigeants africains, selon Zakaria Ahmed Salem. Mais ce professeur de sciences politiques à la Northwestern University à Chicago accuse les dirigeants africains d'avoir accepté la politique anti-migratoire de l'Union européenne sans rien dire.

Récemment, le Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU avait lui aussi dénoncé la coopération de l'Union européenne avec la Libye pour stopper l'arrivée de migrants. Une coopération jugée inhumaine. De son côté, l'Union africaine  a annoncé la semaine dernière son intention de rapatrier dans leur pays d'origine ces 20.000 migrants, dans les six prochaines semaines. Lundi, 11 décembre, près de 900 migrants secourus ces derniers jours en Méditerranée ont été accueillis en Italie. 

 


 

Interview avec Zakaria Ahmed

DW : Bonjour Zakaria Ahmed Salem. Comme Amnesty International vous accusez vous aussi les gouvenements européens et africains de se rendre "sciemment complices des violences et tortures" que subissent des "dizaines de milliers de migrants" détenus par les services libyens.

Zakaria Ahmed Salem : Les plans qui ont été proposés lors du sommet d’Abidjan entre l'Union européenne et les pays africains ont été immédiatement rejetés par les organisations internationales de défense des droits de l'homme comme étant complètement irréalistes. Parce qu’il est difficile de pouvoir libérer des gens qui sont détenus par des groupes armés qui ne sont pas affiliés à l’Etat libyen. Il s’agit de réagir fortement, corriger des erreurs qui ont été commises par cette politique anti-migratoire mise en place pour se soumettre au diktat des partis politiques populistes qui pullulent un peu partout en Europe. 

DW : Lors de sa visite, ici, en Allemagne, Fayez al-Sarraj, le chef du gouvernement libyen d'union nationale  a promis, dans un entretien avec la chancelière Angela Merkel, la fin de l'esclavage de migrants en Libye. Est-ce qu’on peut lui faire confiance, quand on sait que la Libye est un pays qui échappe au contrôle de son gouvernement ?  

Zakaria Ahmed Salem :  Fayez al-Sarraj est bien gentil mais il ne maîtrise pas la situation en Libye. Il n’est pas le seul interlocuteur.Je pense personnellement, qu'il y a là une politique de deux poids deux mesures. Pourquoi a-t-on ouvert les portes de l'Europe aux réfugiés syriens et pas aux réfugiés africains ?

DW : Parce qu'on estime que les pays d'origine des migrants africains ne sont pas en guerre.

Zakaria Ahmed Salem :  Je vous rappelle que la plupart de ces migrants sont sur les routes depuis 30 ans - voire plus. C'est-à-dire que certains d’entre eux sont nés sur les routes de la migration. Cela veut dire qu’ils sont partis pendant que la RDC était en guerre civile, pendant que l’Erythrée était sous la dictature - elle l’est toujours d’ailleurs etc. Donc, c’est un ensemble de faits qui ont placé ces migrants africains dans cette situation humanitaire. Ce que l’Europe a fait, elle a aggravé la situation en sous-traitant l’internement des réfugiés en Libye. Les gens ne se rendent pas compte que la notion de camp et d’internement n’est pas une notion innocente. Ce sont des techniques de confinement, d’emprisonnement et d’asservissement qui ne peuvent que déboucher sur l’esclavage. Des fonds européens ont servi non pas à régler le problème de l’immigration mais à former de nouveaux trafiquants.  

 

Cliquez sur le lien ci-dessous pour écouter l'interview avec Zakaria Ahmed Salem, Professeur de Sciences Politiques à la Northwestern University à Chicago.