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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron8 février 2008

Ce sont les événements du Tchad qui cette semaine dominent l'actualité africaine dans les journaux allemands.

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Réfugiés tchadiens à Kousseri au CamerounImage : AP

La presse s'est fait l'écho des combats du week-end dernier à N'djamena entre les forces gouvernementales et la rébellion. Des combats à l'issue desquels le président tchadien a sauvé de justesse son pouvoir et sa vie, écrit la Berliner Zeitung. Celui que ses camarades de promotion avaient surnommé le cow-boy du désert à l'école de guerre en France semble être indestructible. En l'espace de quelques années, écrit de con côté la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le président Idriss Déby a survécu à cinq tentatives de putsch. Mais si les groupes rebelles sont d'accord entre eux pour renverser Déby, leurs motivations sont très différentes. Le Rassemblement des forces pour le changement, des jumeaux Tom et Timan Erdimi, veut certes un changement de pouvoir. Mais ces deux neveux d'Idriss Déby ne veulent pas toucher à ce qui fait la base du pouvoir actuel au Tchad, à savoir un système de gouvernement qui s'appuie exclusivement sur une ethnie, celle des Zaghawas. Or poursuit le journal, pour le deuxième grand groupe rebelle, "L'Union des forces pour la démocratie et le développement", il s'agit précisément, non seulement de renverser Déby mais aussi de briser l'hégémonie des Zaghawas. L'hebdomadaire Die Zeit voit en Idriss Déby Itno "le dictateur favori de Sarkozy". Congo, Soudan, Zimbabwe, Somalie, Kenia et maintenant le Tchad - le monde extérieur, écrit Die Zeit, a du mal à suivre les tragédies de l'Afrique. Et comme personne ne peut prédire l'issue de la lutte de pouvoir à N'djamena, des voix s'élèvent déjà à Bruxelles pour demander d'annuler le déploiement de l'EUFOR dans l'est du Tchad. Cette force européenne, poursuit le journal, a de fait une grave anomalie congénitale: le plus grand contingent des 3 700 soldats est fourni par la France, l'ancienne puissance coloniale. 48 ans après l'indépendance le Tchad est la principale base militaire de la France en Afrique. Et la France traite ce pays aux ressources pétrolières et uranifères comme un fief postcolonial. Il n'est donc pas surprenant que les Français ne soient pas perçus par les rebelles comme un élément d'une force d'intervention neutre mais comme des incendiaires qui jouent subitement aux pompiers. Aux yeux de la Tageszeitung enfin les perspectives sont bien sombres pour le Tchad. Il se peut, craint le journal, que Déby profite de l'occasion pour éliminer l'opposition civile. Ce ne serait pas la première fois que des opposants sont assassinés en masse au Tchad. Cela pourrait entraîner une nouvelle bataille de N'Djamena, avec des destructions, des expulsions et beaucoup de sang versé. Cela encouragerait l'éclatement du pays et créerait un nouveau foyer de crise en Afrique. Un scénario malheureusement très familier dans l'histoire du Tchad. Une solution politique semble en tout cas de plus en plus improbabl

La presse continue également de suivre l'évolution de la situation au Kenya. Car si les discussions politiques se sont poursuivies cette semaine pour trouver une issue à la crise, les violences n'ont pas cessé pour autant.

Attaque, représailles, attaque - ce cycle des violences est relaté dans un long article de la Süddeutsche Zeitung qui prend l'exemple de la ville d'Eldoret dans l'ouest du pays. Beaucoup d'indices portent à croire, écrit le journal, que des groupes extrêmistes pratiquent des "épurations ethniques" au Kenya. Et même si les politiciens se mettent prochainement d'accord, le pays aura devant lui un long et douloureux processus de guérison. Car les causes du conflit sont profondément enracinées. Elles remontent à l'époque coloniale, lorsque les Kikuyu étaient l'ethnie préférée des Britanniques. Les Kikuyu furent les premiers auxquels fut accordé le droit à l'éducation et ils furent aussi la force motrice de la lutte de libération. Après l'indépendance, le premier président du pays, Jomo Kenyatta, veilla à ce que son groupe ethnique en soit récompensé. Les Kikuyu n'occupèrent pas seulement des postes convoités dans l'appareil d'Etat. Ils reçurent également des terres sur les hauts plateaux fertiles occupés auparavant par des colons blancs, par exemple dans la vallée du Rift, d'où les colonisateurs avaient auparavant chassé les Kalenjin et les Massaï.

Enfin la visite du président allemand Horst Köhler en Ouganda et au Rwanda inspire aussi des articles à la presse.

A lire notamment deux longs reportages sur la visite de Horst Köhler à Gulu, dans le nord de l'Ouganda. Vingt années de guerre civile ont fait dans cette région des dizaines de milliers de morts et plus d'un million de déracinés. La guerre prendra peut-être fin bientôt, lit-on dans la Süddeutsche Zeitung. C'est pourquoi Horst Köhler a voulu montrer que "lui et le peuple allemand n'oublient pas les gens du nord de l'Ouganda". Le président, note le journal, a également inauguré à l'université de Gulu une chaire de psychotraumatologie. Comme le souligne en effet la Süddeutsche Zeitung, les blessures psychiques seront longues à guérir. En particulier chez les ex-enfants soldats recrutés de force par les rebelles de l'Armée de résistance du seigneur, la LRA. Le journal cite l'exemple d'une jeune femme frêle de 26 ans, Aloyo Concy, qui a passé la moitié de sa jeune vie comme esclave sexuelle d'un commandant de la LRA. Pas étonnant, note de son côté la Berliner Zeitung, que le taux de suicides dans les camps de déplacés ne cesse d'augmenter. Principalement chez les enfants et les jeunes. Les dépressions sont un problème gigantesque, souligne une responsable de l'ONG World Vision. Mais jusqu'à présent les organisations humanitaires les considéraient comme un problème de luxe.