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Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron29 juin 2007

Darfour – Taylor – Rwanda

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Cette semaine les journaux ne manquent pas, évidemment, de commenter la conférence internationale sur le Darfour qui s’est tenue lundi dernier à Paris, mais dans l’ensemble le ton n’est pas franchement optimiste. Un petit pas dans la bonne direction est déjà un immense progrès pour le Darfour, ou pour ce qu’il en reste, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Seulement voilà, trop d’incertitudes planent encore sur le déploiement de la force hybride, Union africaine-Onu, au Darfour. Le nouveau gouvernement français, souligne le journal, ne prend aucun risque en attachant une telle importance au dossier du Darfour. Paris n’est pas sous pression pour trancher un noeud gordien. Seuls les effets secondaires comptent vraiment. Bernard Kouchner, le ministre des affaires étrangères, a trouvé une occasion de garantir à sa propre personne et à la politique africaine de son pays l’attention de l’opinion publique mondiale. La Süddeutsche Zeitung fait dans la métaphore musicale en déplorant que la communauté internationale n’ait aucune partition pour la paix au Darfour. Il n’y a qu’un choeur discordant qui tente, de temps en temps, de retrouver une tonalité commune, et cela est déjà suffisamment laborieux. Qui jette un regard sur les quatre années de guerre au Darfour, poursuit le journal, se rend compte que la diplomatie de crise a été constamment fragmentaire. Non seulement le monde s’est préoccupé trop tard du Darfour, mais la communauté internationale est incapable de faire preuve de cohésion. Si les Etats-Unis par exemple ont adopté depuis longtemps des sanctions économiques contre le Soudan, le commissaire européen à l’aide au développement, Louis Michel, a déclaré que les sanctions contre Khartoum étaient contre-productives. Dans le même ordre d’idées, la Tageszeitung dénonce la cacophonie de la diplomatie internationale, elle regrette l’absence d’un chef d’orchestre et note qu’il y a finalement trop d’initiatives de paix à propos du Darfour. La communauté internationale, souligne de son côté la Frankfurter Rundschau, ne peut pourtant autoriser que les villages du Darfour soient incendiés les uns après les autres, et que leurs habitants soient ou bien tués ou bien poussés vers les camps de réfugiés. Depuis le début du conflit, note le journal, le nombre de belligérants n’a cessé d’augmenter. De quatre, à l’origine, il est passé aujourd’hui à plus d’une douzaine. Pour faire cesser les violences, la communauté internationale doit faire pression sur toutes les parties en conflit. Décréter des sanctions uniquement contre Khartoum a peu de chances de réussir.

C’est également lundi dernier que le procès de Charles Taylor a repris devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone qui siège à La Haye. Une fois de plus l’ancien président du Libéria a refusé de comparaitre et le procès a été suspendu jusqu’au 3 juillet. Pour la presse allemande, la soif de justice est pourtant grande, au Libéria comme en Sierra Leone. C’est ce que note la Tageszeitung après avoir constaté que, pour beaucoup d’Africains, un procès organisé dans les locaux de la Cour pénale internationale à La Haye ne peut être qu’une "justice de vainqueurs". Taylor comparait certes devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone, mais tout est dans le symbole, écrit le journal. Les procédures de la CPI ne concernent pour l’instant que l’Afrique: l’Ouganda, la République démocratique du Congo, la Centrafrique et le Darfour au Soudan. Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la CPI, se déclare en revanche incompétent pour l’Irak. Mais, souligne la Tageszeitung, la justice internationale est intermationale. Il y a aussi des Africains parmi les jurés qui doivent juger Taylor. C’est dans les rues poussiéreuses de la Sierra Leone et dans les cases étroites du Libéria, poursuit le journal, que la soif de justice est la plus vive. Les victimes sont petites, défigurées, mutilées, violées ou mortes et leurs droits ont été transférés aux juges de La Haye. Ce n’est pas l’Afrique qui est en procès, souligne encore la TAZ, c’est l’Afrique qui traduit un homme en justice.

Enfin le même journal la Tageszeitung donc, publie cette semaine un très long article sur le Rwanda. Plus précisément sur la volonté de son gouvernement d’endiguer l’explosion démographique. Il ne s’agit pas, comme en Chine, d’imposer la politique de l’enfant unique, mais note le journal, le Rwanda est le premier pays d’Afrique à s’inspirer de la politique chinoise pour limiter à trois le nombre d’enfants par famille. Selon John Ruzibuka, le coordinateur du Fonds des Nations unies pour la population au Rwanda, chaque Rwandaise a en moyenne six enfants. Depuis les années 50, la population a été multipliée par quatre, elle se chiffre à présent à près de neuf millions d’habitants pour un pays de la superficie de la Belgique. Nulle part ailleurs en Afrique la densité démographique n’est aussi forte. Et si rien n’est fait pour limiter les naissances, la population doublera d’ici à 2030. Le plus ardent défenseur du contrôle des naissances, poursuit la Tageszeitung, est le président Paul Kagamé, qui entend ainsi prévenir un nouveau génocide. Et le journal de citer cette récente déclaration de Paul Kagamé: "l’ancien gouvernement a semé la haine en affirmant que notre pays était trop petit pour tout le monde. Nous avons toujours assuré que le pays était assez grand pour tous, mais cela ne peut inclure tous ceux qui ne sont pas nés". Cela dit, et comme on peut le lire dans l’article, limiter les naissances n’est pas une tâche aisée dans un pays où 13 ans après le génocide et ses 800 000 morts, beaucoup de victimes ne sont toujours pas enterrées. Dans les campagnes en particulier, beaucoup de Rwandais, et surtout de Rwandaises, ont aujourd’hui encore le sentiment de devoir reconstituer leurs familles dans leur dimension d’autrefois. Quant aux moyens de contraception, le journal relève que les préservatifs sont très impopulaires et qu’un nouveau programme consiste à distribuer une sorte de chapelet, avec des boules de différentes couleurs qui indiquent aux femmes leurs jours de fécondité.