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"Actes de guerre" à Guantanamo

Anne Le Touzé12 juin 2006

Après le suicide de trois détenus à Guantánamo, les avis divergent sur l’interprétation à leur donner : si les défenseurs des droits de l’homme estiment qu’il s’agit d’un acte désespéré, pour l’armée américaine en revanche, les trois suicides sont un « acte de guerre ». Dans les deux cas, cet événement remet sous le feu des projecteurs le camp de Guantánamo, dans lequel les Américains détiennent les suspects du terrorisme dans des conditions discutables.

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Image : dpa

Peut-être les suicides de Guantánamo ont-ils véritablement pour objectif d’attirer l’attention sur les conditions de détention, écrit la Tageszeitung. Après tout, les trois suicidés avaient également fait, à plusieurs reprises, la grève de la faim. Là-dessus, estime le journal, les Etats-Unis n’ont pas à se plaindre. Quand on construit un camp au-delà de toute garantie légale et au-delà des traités du droit international, il n’est pas étonnant que ses occupants tentent à tout prix de rappeler le monde à leur souvenir.

Depuis des années, écrit la Frankfurter Rundschau, on sait que le camp de Guantánamo n’a rien en commun avec les conceptions occidentales de la légalité. Alors que dans un Etat de droit, la justice traduit tout coupable dans un délai requis, le considérant ainsi comme un individu doté de droits, les suspects de Guantánamo passent pour des « individus dangereux ». Après les vols secrets de la CIA et les pratiques d’interrogatoires douteuses, les suicides de Guantánamo sont une nouvelle preuve que l’occident a perdu ses prétentions de modèle dans la manière de traiter les terroristes potentiels. Du moins tant que personne, les Européens par exemple, ne réussira pas à faire revenir Bush à la raison.

Pour la Süddeutsche Zeitung enfin, le camp de Guantánamo a sans doute produit plus de terroristes qu’il n’en a mis hors d’état de nuire. Si toutes les deux ou trois semaines, on retrouvait des prisonniers pendus, les conséquences politiques seraient désastreuses. Et la pression sur Washington incommensurable. Théoriquement, les responsables à la Maison Blanche pourraient trouver une issue honorable à la situation. En traduisant les détenus devant de vrais tribunaux, en libérant les innocents et en fermant Guantánamo. Mais même cinq ans après le 11 septembre, on ne peut pas compter sur autant de raison de la part de l’administration Bush, une administration prisonnière de son idéologie anti-terroriste. Les détenus de Guantánamo n’ont donc plus qu’un espoir : les électeurs américains. Il n’y a qu’eux qui peuvent libérer leur pays de l’obsession qui fait de la lutte contre le terrorisme une guerre contre la dignité humaine.